Le Blog d'un retraité

12 décembre 2010

J’adore quand les choses se déroulent selon les plans prévus, ou comment transformer une fusion en fission.

Classé dans : Informations générales, Personnel, Râleries — admin @ 18 h 17 min

Pour présenter le contexte de cet article, l’établissement où j’officiais, le Lycée Professionnel Agricole (LPA) de Lavaur – Flamarens, Lycée Public, a fusionné voici presque un an avec le Lycée d’Enseignement Général et Technologique (LEGTA) d’ Albi Fonlabour. Les deux établissements étaient tous deux des établissements publics locaux d’enseignement agricole (EPLEA), dotés de l’autonomie administrative et financière. À ce titre chacun avait son Conseil d’Administration, Conseil Intérieur, etc. Ils étaient tous deux à égalité sous l’autorité du Directeur Régional de l’Agriculture et de la Forêt de Midi Pyrénées ou des autorités administratives qui précédaient la régionalisation.

Sur décision du Ministère de l’Agriculture, le LPA de Lavaur Flamarens a été dissous

Et ses actifs transmis à L’EPLEA maintenant unique et départemental à Albi. Un vote a été organisé dans chacun des deux EPL auprès des personnels, mais il n’avait aucune valeur autre qu’indicative, la décision ayant été déjà prise nationalement. Il fut un temps où une telle décision avait pu être annulée, sous réserve que les effectifs et les résultats aux examens augmentent (sous la direction temporaire de Christian Jaladieu, qui avait été en personne négocier avec le Ministre et le DGER), mais je ne suis pas certain qu’une telle démarche aurait eu le moindre résultat de nos jours. D’autant que les effectifs du lycée et ses résultats aux examens sont largement dans les cordes.

Lors de ce vote, qui s’est déroulé 1 mois avant mon départ en retraite, j’ai voté contre la fusion, mais sans expliquer pourquoi, ne me sentant pas en position d’influencer qui que soit à un mois de mon départ. Je peux maintenant préciser pourquoi j’ai voté contre, et pourquoi tout ce qui s’est passé depuis était déjà gravé dans le marbre : humiliation des personnels, pertes de postes administratifs et enseignants, sentiment d’abandon et violences psychologiques difficilement supportables, ceci pour les personnels de l’établissement dissous ; incompréhension de la situation, sentiment de frustration, surmenage des collègues d’Albi qui voient pour certains augmenter leur charge de travail, et en plus en milieu vécu comme hostile, cela pour les personnels de l’établissement Albigeois.

Tout cela était inéluctable, et tout s’est déroulé selon les craintes que j’avais. Cela pouvait il se dérouler autrement ? De la manière où la préparation de la fusion s’est faite (préparation purement administrative), sûrement pas… Pourquoi le petit qui a le sentiment de se faire boulotter par le gros serait il tenu de se laisser faire sans rien dire ?

Attention, je parle de sentiment, pas d’autre chose. Mais les sentiments vécus sont bien une réalité, car ils sont réellement vécus, même si la réalité est la même pour tous, la façon dont elle est vécue varie. Elle dépend entre autres de l’histoire vécue par les uns et les autres. Je pars en plus du principe qu’une institution est elle même une personne, avec son propre vécu, sa tête, ses membres, ses organes (proviseur, personnel, les différents conseils) le tout c’est bien du vivant, avec ses crises, ses fiertés, ses réussites et ses échecs, qui se répercutent sur le présent et l’avenir.

Parlons d’Histoire

Le père Combes

Le LPA de Lavaur a été créé en quelque sorte aux forceps il y a 40 ou 50 ans. Son Directeur de l’époque, Joseph Combes avait une forte personnalité, au moins aussi originale que celle du Directeur du Lycée d’Albi de l’époque (M. Couturier), qui entendait bien garder Lavaur sous son aile et donc dans son budget. Bien sûr le fait que Lavaur ait obtenu l’autonomie a été vécu comme une victoire par l’un, un échec par l’autre. Alors que c’est M. Combes qui avait poussé à la roue pour faire réserver les terrains de Fonlabour pour y construire un lycée, ces deux là ont passé le reste de leur carrière de Directeurs à se chercher des poux, à ne pas louper une occasion de piquer des crédits à l’autre… Mais bon, à l’époque il y avait de la place pour tout le monde, l’enseignement agricole était en plein essor, on avait parfois de bons ministres, et des Ingénieurs chefs de service régionaux fort intelligents, et de fortes personnalités eux aussi (M. Brisebois, par exemple, pour ceux qui s’en souviennent) regardaient avec amusement pour ne pas dire bienveillance leurs deux coqs Tarnais tenter de se plumer l’un l’autre. La guéguerre avait été encadrée par le fait que officiellement Fonlabour se chargeait des formations sur l’environnement (horti, jardins espaces verts, etc.) et Flamarens des formations agricoles en vue de l’installation comme agriculteur.

Tout ça est gravé dans la mémoire collective des deux établissements. J’ai souvenir de crédits pour construire une porcherie à Lavaur, qui ont fait un vol plané au dessus de Flamarens pour atterrir sous forme de serre horticole à Albi ; en tous cas c’est ce que M. Combes assurait !

Le BEPA expérimental puis rénové.

Au début des années 80, l’enseignement agricole veut se rénover dans ses objectifs et ses pratiques. Il est fait appel à des candidatures de projets pédagogiques de rénovation ; chacun se réunit de son côté, fourbit ses arguments, affute ses dossiers. Au terme de ce processus dit des États Généraux de l’Enseignement Agricole, le projet de Lavaur Flamarens est retenu pour être mis en œuvre à titre expérimental (avec une dizaine d’autres nationalement), et celui de Albi – Fonlabour non. Outre le fait que certaines contestations sont venues d’un syndicat et plus précisément d’un responsable syndical national en poste à Albi, les quolibets dans un sens, et sans doute une fierté exagérée dans l’autre sens, n’ont pas manqué (genre : évidemment quand on a si peu d’élèves on n’a que ça à faire : de l’expérimentation, et inversement nous on n’a pas de temps à perdre, on bosse). En toute honnêteté il était plus facile de se concerter à 12 collègues et amis qu’à 50 dans un grand lycée où tout le monde ne se connaît pas, et moins risqué pour le Ministère de tenter un coup d’essai dans une petite structure.

Le CFA départemental

Il y a dans le Tarn un Centre de Formation d’Apprentis Agricoles (CFA) départemental. Il y une quinzaine d’années il y en avait un seul aussi, dont le siège était à Puylaurens, et qui faisait suite à un « CPA » (Cours Post Scolaire Agricole) rattaché à l’Éducation Nationale et où travaillaient des Instituteurs agricoles itinérants. À Fonlabour se trouvait un CFPPA (Centre de formation professionnel pour adultes). Lors de la disparition définitive des Cours post-scolaires agricoles, c’est Lavaur qui a récupéré le nouveau CFA départemental dont le siège est resté à Puylaurens. Et hop, c’est reparti : les uns vexés, les autres béatement fiers pour ne pas dire bêtement narquois (je sais, j’en faisais partie, pas de quoi rire). Par la suite une directrice de Flamarens soucieuse d’avoir la direction de ce CFA à sa botte a obligé le Directeur du CFA à déménager à Lavaur. Erreur à mon avis.

La rénovation des ateliers pédagogiques

Toujours dans le passé, le Conseil Régional commence à rénover/restructurer les exploitations agricoles des Lycées, comme il le fait pour les ateliers des Lycées Techniques de l’Éducation Nationale. Problème : alors qu’il n’y a (par exemple) qu’un seul Lycée « Cuir Textile » en Midi Pyrénées, il y déjà, rien que dans le Tarn, deux exploitations laitières à reconstruire. Les collègues d’Albi font gentiment la démarche de venir à Lavaur nous proposer de fusionner les deux exploitations, pour avoir un seul troupeau laitier … à Fonlabour, et sans contrepartie apparente. Je vous laisse deviner l’issue de la chose. Il n’y a peut être pas grand monde à s’en souvenir, c’est vieux, mais l’inconscient collectif, ça existe ailleurs que dans les livres. Bon, le Conseil Régional reconstruit les deux étables à neuf, tout le monde est content, c’est le contribuable qui paye et faut croire qu’il est riche. Mais comment voulez vous que soit vécue la vente en catimini (cet été) et sans contrepartie du troupeau laitier de Flamarens, sinon comme une sorte de vengeance ? Et qui c’est qui a envie d’aller rôder devant cette énorme étable vide bien que neuve et ayant quelques défauts de conception parce que les proviseurs de Flamarens successifs (notamment M. Grognier) n’y ont pas accordé assez d’intérêt lors du suivi de chantier et de la réception des travaux ?

La saine émulation syndicale PC/PS

Il y a eu dans le passé une section syndicale SNETAP – FSU assez active à Flamarens. À Fonlabour aussi bien sûr. Mais alors que l’une assumait sans problème apparent que le PC anime le Snetap parfois au gré de ses relations avec le PS (avant ou après la sortie du PC du gouvernement), l’autre, celle de Flamarens, a accumulé tant de différents sur de nombreux points de vue avec le Snetap que toute la section a démissionné (j’en étais le secrétaire de section). Parmi les désaccords il y avait le fonctionnement manquant de clarté (c’est une litote) d’un membre du secrétariat national (ou régional je ne sais plus) et membre du personnel d’Albi. Je peux vous dire que toute une section syndicale qui démissionne, ça fait du bruit dans le Landerneau Snetapien, et une incompréhension supplémentaire entre les personnels. On s’est fait quasiment traiter de social-traîtres, mais ce n’est pas le lieu de lister les raisons qui nous avaient poussés à partir. Mais ça aussi c’est toujours écrit, ressenti, à tort ou à raison les personnels de Flamarens sont vus comme des gens incompréhensibles, inconséquents, parfois capricieux, bref pas normaux, et après tout, les fusionner ça va les calmer pour un bon moment… Comme quoi l’histoire va se blottir dans des coins bizarres, inutile d’espérer la cacher sous les tapis.

Et maintenant, que va-t’on faire ?

Pour se calmer, ils se sont pas calmés du tout. Ils se retrouvent en grève reconductible tous seuls dans leur coin, tout le monde regarde ça avec yeux étonnés, mais qu’est ce qu’ils ont encore, tout ça ! Peut être même qu’on va maintenant penser que les vieux les manipulent. Là je vous le dis tout de suite, tels qu’ils sont, c’est pas demain la veille. Même les vieux potes…

Demandez à un ancien Proviseur de Flamarens (M. Faucher) ce qu’on lui a dit quand il a demandé le poste de Flamarens : qu’est ce que tu vas faire là bas, ça ne mérite que la dynamite (ce qu’on m’avait dit à moi même 10 ans plus tôt) c’est le fin fond du tr… (non je ne l’écrirai pas je me retiens) du Tarn, et en plus les profs là bas ils sont tous fous, tu finiras fou comme eux et comme le Proviseur d’avant toi (c’est vrai, il a dû interrompre prématurément sa carrière, mais on n’y était pas pour grand chose).

Je n’ai pris que 4 ou 5 événements dans le passé de ces deux établissements et à seuls ils auraient suffi à savoir que cette fusion allait se dérouler dans la douleur, avec l’enseignement privé qui doit bien rigoler à ce spectacle. Il y a bien d’autres événements passés qui auraient pu se prêter à analyse, mais ce n’est dans ce bref article qu’on peut en parler.

Ce que je veux simplement montrer c’est que l’avenir en général se déroule dans les rails du passé. Et qu’à ne pas vouloir l’analyser, le confronter aux ressentis des deux êtres vivants que sont les deux lycées, on va dans le mur. Nonobstant bien sûr tous les autres points de vue à aborder lors d’un processus de fusion de cette importance.

Est ce que ça aurait pu être différent ?

Admettons que cette fusion ait été indispensable, ce qui reste à démontrer, il aurait fallu prendre le temps de la préparer. Un audit externe, à condition que cet audit fût le fait non seulement de spécialistes administratifs, mais aussi de psychologues et/ou de sociologues, ethnologues, que sais-je, en tous cas de gens capables d’animer une dynamique permettant de faire émerger le passé, les non dits, les souhaits, bref toutes ces choses qui permettent d’aboutir à des décisions préparées.

En réalité, la fusion a été préparée par quelques administratifs en poste : directeurs, gestionnaires, agents comptables, représentant l’administration, et en présence de représentants de la profession agricole (Chambre d’Agriculture). Il n’y a pas eu de mise en place d’un Projet d’Établissement commun reprenant les projets distincts des deux EPL. Il faut bien avouer que le Directeur en place alors à Lavaur avait d’autres soucis (préparer la suite de sa carrière) et était un chaud partisan de la délégation de pouvoir pour les choses qui ne l’intéressaient pas (l’exploitation, l’avenir de l’EPL, la pédagogie,…). Et que dans ces conditions, les personnels ont été cueillis à froid, sans avoir le temps de réagir.

Conclusion

Pas compliqué : voilà comment on transforme deux magnifiques chevaux de course (l’EPL de Lavaur et l’EPL d’Albi) en un sombre cheval de trait impropre à la mission qui lui est normalement attribuée ; former les professionnels du Tarn dans une époque si difficile de mutations. Et en plus ça énerve les jockeys qu’on lui met sur le dos. Mais bon si l’écurie qui le drive (le Ministère) et l’entraîneur qu’on lui a attribué sont contents, que dire ? Que quand on veut tuer un cheval de course on lui met du poids de handicap ? (en fait j’y connais rien en canassons). La splendide machine, presque unique en Europe, qu’était l’enseignement public agricole français, reconnue par nos collègues de l’EN comme innovante, performante, débouchant sur l’insertion sociale et professionnelle de ses élèves, va-t’elle rentrer dans le rang, et même rejoindre les rangs du mammouth ? Heureusement qu’il en reste encore qui vont se battre pour faire reconnaître leurs résultats !

Le Jeudi 2 et 3 Décembre (sauf erreur de ma part) étaient jours de grève à Lavaur – Flamarens et les 16 et 17 le seront aussi (pour autant que je sache) car même si certains ont promis de faire preuve d’un peu plus de doigté, aucune réponse n’a été apportée en terme de maintien des postes, de gestion de l’exploitation (un directeur d’exploitation à Lavaur) et sur bien d’autres points.

Un commentaire

  1. Que rajouter à ton début d’analyse si ce n’est qu’à mon avis ces combats d’arrière garde sont voués à l’échec. Mais comme tu le dis si bien, c’est dans la tradition de Flamarens de se battre contre des moulins à vent. Alléluia la relève est assurée!!!

    Commentaire par Christian — 13 décembre 2010 @ 10 h 05 min

Flux RSS des commentaires de cet article.

Désolé, les commentaires sont fermés pour le moment.

Propulsé par WordPress